Interview de Vincent Mangematin / Auteur de « Les business models du célibat »

  • Pourquoi ce livre ? 

Le célibat est un phénomène mal connu et souvent caricaturé comme un couple amputé ou un couple à composer ou bien fantasmé comme la liberté vécue avec bonheur par des séducteurs (ou séductrices). Loin des poncifs moraux ou éthiques, ce livre s’intéresse aux célibataires, temporaires, géographiques ou endurcis. Quand on est célibataire, on ne fréquente pas les mêmes personnes, on ne fait pas ses courses de la même manière et on ne vit pas ses loisirs comme les personnes en couple ou avec enfants. Les modes de vie évoluent et de nombreux acteurs se mobilisent pour proposer des produits et services adaptés. Et le numérique, internet mais aussi les smartphones et la connexion ininterrompue ont changé la donne. Internet et le téléphone mobile vont-ils permettre des rencontres tout azimut ?

 

  • A votre avis quels sont les secteurs qui vont encore être impactés dans « le business du célibat » ? 

Les secteurs traditionnels sont les plus impactés par le célibat, mais plus encore par le phénomène des « solos », ces personnes qui vivent seules, célibataire ou non. Une part importante de la population adulte vit seule, que ce soit lié au célibat et à la mobilité géographique. Ainsi, le logement avec les petites surfaces ou bien les appartements en co-location, l’alimentation avec les portions individuelles et les conditionnements en petites quantités, mais aussi le secteur des loisirs et des voyages avec des offres spécifiques pour les célibataires ou les personnes seules avec enfants. Un des secteurs qui explose est internet avec les sites de rencontres, les applications sur smartphones mais aussi les sites qui permettent de partager des activités. Ces derniers ne s’adressent pas spécifiquement aux célibataires même s’ils constituent une part importante de la population.

 

  • Y-a-t-il des dérives dans ces phénomènes ?

Dérives. Une des promesses que je me suis faite en débutant ce livre avec Chloé, Margot et Elise, c’est que nous n’adopterions pas une position morale. Solo ou célibataire, il y a une demande, que ce soit pour les contacts, des offres adaptées aux modes de vie ou des sorties qui prennent en compte la spécificité du célibataire sans le stigmatiser. Et donc une inventivité des entrepreneurs pour répondre. Des dérives oui bien sûr et heureusement. La dérive est ce qui fait avancer la société, prenant les uns à rebrousse poils et permettant aux autres d’être des aventuriers. Les radios libres sur la bande FM n’étaient pas considérées comme une dérive avant 1981.

 

  • Existe-t-il une place pour l’amour ?

Economie et amour ont toujours eu des rapports compliqués, que ce soit la dote des jeunes filles jusqu’au XIX siècle ou les petites annonces du chasseur français. Qui dit célibat, dit amour potentiel, amour en devenir ou amour en déshérence. Que l’amour puisse être un objet économique n’est pas choquant en soi. Se rencontrer, se plaire s’aimer sont des actions ancrées dans le réel et qui peuvent susciter une offre et de nouveaux business models. Et ce qui est plutôt rassurant quand on regarde l’activité des sites webs et des applications smartphones, c’est que le chiffre d’affaires des sites tournés vers la rencontre amoureuse est plus important que celui de la rencontre purement sexuelle. Sans être trop romantique, le livre suggère quelques explications qui articulent promesse et érotisme.

 

  • Comment avez-vous travaillé avec vos étudiantes pour rédiger cet ouvrage ? (La difficulté de l’écriture à « 8 mains », les apports de chacun)

Ce livre n’aurait jamais vu le jour sans le travail d’Elise, Margot et Chloé. Elles sont ce qu’il est convenu d’appeler des « digital native », des personnes nées avec internet et un téléphone portable greffé dans la main. Elles ont une connaissance intime de la vie numérique et ont développé une réflexion nourrie sur les modèles économiques qui en découlent. Travailler avec elles, échanger sur nos étonnements et parfois nos indignations nous a permis de dépasser les idées reçues et de mieux comprendre les différents aspects du célibat.